Comme bilan au bout de 5 mois, je dirais "pas trop mal". La vie n'est pas toute rose, mais elle n'est pas si terrible que je me la suis représentée.
Voyons les questions une à une.
- L'incontinence.
Ma première grosse inquiétude. Vais-je pouvoir contenir mes selles maintenant qu'elles sont liquides, et fréquentes ? Mes sphincters vont ils réapprendre rapidement leur rôle ? Surtout après neuf mois de repos ?
Ma réponse : OUI ! Heureusement. Les premiers temps, peut être les deux premiers mois, j'avais encore des fuites, en particulier des fuites nocturnes. Je portais alors des serviettes hygiéniques, par précaution. Parfois elles étaient souillées, parfois non. Puis de moins en moins. Aujourd'hui, il y a encore quelques accidents, mais ils se raréfient.
Pourtant, il y a quelques années, j'ai subi une sphinctérotomie, pour fissures anales... On aurait pu attendre un moins bon résultat.
Pas de couches, plus de serviettes, et pas de tâches ! Soulagement !
- La fréquence des selles
Voila une autre préoccupation essentielle du malade en transition. Combien de fois par jour vais-je devoir occuper le petit coin ?
Il faut bien noter que lorsque le colon et le rectum, et donc la maladie, étaient encore là, cette question ne se posait pas, puisque les besoins étaient si impérieux et si fréquents qu'ils donnaient l'impression d'occuper toute la journée, et toute la nuit ! Vingt fois, trente fois par jour... Toutes les heures, toutes les demi heures... Là, maintenant, tout de suite...
Et soudain, on s'interroge. Combien de fois ? Comment ?
Pour ce qui me concerne, la première semaine suite à ma remise en continuité, j'allais aux wc environ 5 fois par jour. En effet, à l'hôpital, on est peu nourri en post opératoire, donc, le transit est léger.
En rentrant à la maison, on s'alimente davantage, donc le transit est plus important.
Durant le premier mois, 10 à 15 fois, dont deux à trois selles nocturnes.
Puis j'ai pris un ralentisseur de transit (Imodium®) avec chaque repas.
Cela a réduit considérablement mes besoins : 6 à 8 fois par jour, dont une nocturne.
Et puis, peu à peu, le nombre se réduit. Aujourd'hui, j'en suis entre 3 et 5 par jour. Parfois une la nuit, parfois pas. Et je réduis le ralentisseur de transit à 1 ou 2 par jour.
Attention, ce résultat n'est pas celui d'absolument tous les jours. Il m'arrive régulièrement encore d'avoir des épisodes de diarrhée, qui augmentent considérablement le nombre de selles. Mais je crois qu'ils s'espacent et ne durent que 24 à 48h.
Surtout, le plus important est que les besoins ne sont jamais aussi urgents que lorsque la maladie rongeait.
On contrôle ses besoins plus ou moins bien selon les jours, mais il est possible de patienter entre une demi heure et deux heures entre la manifestation de l'envie et le moment où l'on va effectivement aux toilettes.
Ainsi, j'ai pu traverser la France en voiture au mois d'août, à J + 3 mois, presque sans dérangement (et quand je dis traverser, je veux dire la France d'un bout à l'autre, soit 1300 km !)
Par contre, il est évident qu'on passe aux toilettes assez longtemps à chaque fois. Le problème est qu'on n'a plus vraiment la sensation "d'avoir fini". Il y en a toujours encore à éjectere. Il faut alors se faire violence pour sortir. Puis au bout de quelques minutes, on se sent mieux.
Pour ce qui me concerne, je trône entre 10 et 30 minutes à chaque fois, le plus longtemps étant le soir, puisque j'évacue alors le transit de toute la journée, et je prends davantage mon temps alors.
Je crois néanmoins que depuis peu, ces sensations de "jamais fini" s'estompent...
- La consistance du transit
Là faut pas se leurrer, les selles sont liquides. Très liquides au début, puis plus pateuses, selon ce qu'on mange, et selon son état général.
Ceci s'explique par le fait que l'organe chargé d'absorber l'eau des aliments et donc de mouler les selles en charmants petits boudins, soit le colon, n'est plus là... Il parait qu'à la longue l'iléon prend le relai. Je n'en suis pas encore à ce stade...
Par ailleurs, on retrouve, avec la continuité le plaisir des gaz ! C'est assez douloureux, surtout au début, car il arrive que l'air des intestins "ne trouvent pas le bon chemin" pour sortir. On sent alors comme des crampes, comme l'aérophagie qu'on pouvait avoir avant l'opération, mais située plus haut dans le ventre.
La solution : les anti-spasmodiques. J'en prenais systématiquement 6 par jours. Ca allait bien. J'ai diminué, mais je réaugmente régulièrement quand les gaz sont trop douloureux, ou trop nombreux.
Autre solution : DEGAZER ! Facile, quand on est aux toilettes... Facile aussi quand on a son colon... beaucoup plus difficile en post opératoire... Difficile de différencier ses besoins et les gaz... Mais ca vient, petit à petit. Après trois mois, on arrive à distinguer presque à tous les coups. Aujourd'hui, plus d'accidents !
Par contre, la position est aussi particulière par rapport à la vie d'avant... Pour moi, c'est allongée sur le dos, les genoux repliés sur le ventre. Seul moyen pour évacuer (désolée pour les détails terre à terre, mais on est là pour ca, aussi !)
- L'irritation anale
Voila un désagrément réel et assez difficile à gérer... L'absence de colon implique que les selles sont acides au moment de d'expulsion... et l'anus n'est pas constitué des mêmes tissus résistants que l'intestin. Donc très vite, il est irrité. Très irrité. Ça brûle, ça pique, ça démange, on se gratte jusqu'au sang... c'est vraiment horrible. LES PREMIERS TEMPS.
Pour ce qui me concerne, ça a duré 5 semaines. Cinq semaines vraiment difficiles à passer, car plus on va aux toilettes, plus on s'irrite, et plus c'est difficile d'aller aux toilettes...
Dans un premier temps, on conseille d'utiliser seulement des onguents, des crèmes pour érythèmes fessiers du nourrisson. Ça soulage un peu.
Je couplais ce traitement avec des bains de siège, à l'eau froide, sans savon, ou très peu de savon de Marseille, après chaque selle. Vingt minutes minimum à chaque fois...
Mais il arrive un moment où l'efficacité de ces trucs et astuces devient insuffisante. Alors, le médecin m'a prescrit une crème corticoïde qui a été très efficace en quelques jours seulement ! Pourquoi ne me l'avait on pas donnée AVANT !!?? Toujours ce problème de la prise en charge de la douleur du patient...
Bref, depuis cet épisode, je gère. Plus de brûlures quotidiennes. L'anus s'est habitué, ou les selles se sont adoucies. J'ai encore parfois quelques brûlures, mais rien de comparable avec la première période. Et quand c'est trop douloureux, deux ou trois jours de crème corticoïde et tout va mieux !
- Le régime alimentaire
Il était hors de question que je change mes habitudes alimentaires. Je suis trop gourmande, j'ai été trop privée durant les périodes de poussée de RCH.
Après un mois de régime sans résidu strict, j'ai réintroduit les aliments peu à peu. Les légumes cuits, et les fruits cuits, puis les fruits crus mûrs, puis les légumes crus...
Aujourd'hui, je n'ai aucun régime alimentaire. Je mange de tout et presque à volonté. Des légumes, des fruits, des épices, des fritures.
Bien sûr, j'adapte les quantités et les combinaisons d'aliments en fonction de mon état du jour. J'accompagne les crudités de féculents. Le jour où je me sens moins bien, je préfère un yaourt à une pêche, et des pâtes à des carottes râpées.
Mais globalement, je mange des crudités à tous les repas, et au moins un fruit par jour, voire deux.
On m'a conseillé de manger léger le soir pour être tranquille la nuit. Je préfère faire un repas normal et convivial le soir quitte à me lever une fois la nuit. Une question de choix.
Je ne veux rien m'interdire, et je ne m'interdirai rien. Je me suis conditionnée ainsi depuis le premier jour... Et j'y arrive, peu à peu !
Par contre il y a deux nouvelles obligations suite à la chirurgie : boire beaucoup d'eau, et manger salé.
En effet, le colon n'étant plus là, l'eau des aliments est rejetée dans des quantités beaucoup plus importantes qu'avant, et l'eau contient les sels nécessaires au bon fonctionnement du corps... alors, je sale deux fois mes aliments, et je bois entre 1.5 et 2 litres d'eau par jour (eau, thé, jus de fruit, soda...) C'est important, pour protéger le système rénal. Faudrait pas faire en plus une insuffisance rénale après "l'insuffisance colique" !
- La vie sexuelle
Je n'ai pas encore expérimenté la vie sexuelle depuis la continuité.
Hormis les rapports anaux qui sont strictement interdits après la chirurgie, et qui le resteront, il parait que l'on peut avoir une vie sexuelle normale...
C'est assez effrayant d'imaginer stimuler la zone péri-anale. N'a-t-on pas alors une envie sérieuse d'aller aux toilettes ? Je suis un peu bloquée par rapport à cela... quel homme acceptera de tenter avec moi l'aventure ? L'avenir nous le dira !
Je ferai une mise à jour quand j'aurai testé...
Ceci dit, j'attends avec impatience de lire vos expériences !
- La surveillance
Des prises de sang régulières sont nécessaires, pour vérifier le niveau des sels minéraux en particulier le sodium et le potassium. J'ai fait deux carences en potassium, au point que j'ai dû être hospitalisée, car une hypokaliémie est dangereuse pour le coeur... tout autant d'ailleurs qu'une hyperkaliémie... Alors... surveillance, surveillance...
- Les troubles inexpliqués.
Il persiste 5 mois après l'intervention des problèmes inexpliqués, propablement liés à tous ces chambardements qui ont eu lieu à l'intérieur... Nausées, vomissements intempestifs, sub occlusion intestinale...
Heureusement, ces troubles s'estompent d'eux mêmes en quelques heures, en quelques jours, mais ils sont tout de même bien là pour me rappeler que j'ai été gravement malade, et que ce n'est pas encore complétement du passé...
En conclusion, ma vie après la remise en continuité, c'est quelques contraintes, mais une meilleure qualité de vie qu'avant la maladie, et une bonne qualité de vie, tout court.