7 mai 2008
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Il m'a été très difficile de comprendre, d'accepter que le mal dont je souffrais était potentiellement grave. D'abord parce que ma mère avait souffert du même mal et qu'elle l'a enrayé assez facilement. Ensuite par défaut d'information. Les médecins ne m'ont jamais réellement informée de ses conséquences potentielles. Lors de ma première coloscopie, le gastroentérologue était surpris de retrouver des lésions sur mon intestin, comme si, jusqu'à ce qu'il voie ces lésions, il n'avait pas pu me croire.
Tous, ils avaient insisté sur le caractère chronique et incertain de la maladie, sans compter que les différents avis que j'ai pris n'étaient pas unanimes quant à l'identité de la maladie... était-ce une RCH, ou une maladie de Crohn ? Au fond, cela m'importait peu de savoir. Mais si les docteurs ne savaient pas, c'était sans doute que la forme de l'atteinte que j'avais était bénine ! On reconnait des lésions sévères quand on est un spécialiste...
Et puis, l'espacement des crises, le peu de gêne au quotidien que je ressentais alors m'ont fait banaliser la maladie. Bien sûr, parfois, j'étais fatiguée. Je me traitais de paresseuse, ou je mettais cette fatigue sur le compte de mon activité professionnelle débutante et si exigeante. J'étais tout de même capable de m'endormir dans la salle d'attente de mon psychanalyste qui pourtant n'avait pas pour habitude de me faire attendre plus de dix minutes... Je ne voulais pas voir le caractère anormal de cette fatigue. Je trouvais que je n'allais pas si mal que cela, et je commençais à rechigner à prendre mon Pentasa®, petites granules faciles à administrer, sans effets secondaires apparents, et plutôt efficaces, puisque depuis que je le prenais je ne me sentais plus malade. Je n'étais guère enthousiaste à l'idée de devoir prendre ad vitam des médicaments. Les médecins, peut-être, s'étaient-ils trompés ; en fait de maladie chronique, peut-être avais-je eu simplement une crise de colite, un peu sanglante, mais ponctuelle... J'ai diminué la dose quotidienne de granules. Parfois, je sautais complètement les prises...
De temps en temps alors, je me mis à ressaigner. Plus. Durant quelques semaines. Mais je n'avais pas mal. Et puis comme par hasard, chaque fois que mon rendez-vous avec mon gastroentérologue approchait (je le voyais tous les six mois à l'époque), je me sentais mieux. Les selles se raréfiaient, le sang était plus dilué... Donc, il me conseillait seulement de ré-augmenter le Pentasa®, en se doutant peut-être qu'une crise était en train de s'éloigner.
Personne ne m'a crié qu'il fallait que je me méfie, que je ralentisse mes activités, qu'il en allait de ma santé future... ou bien quand on me le suggérait, je pensais que ceux-là étaient des rabat-joie non spécialistes qui se trompaient sûrement, et qui ne pouvaient se mettre à ma place. Je savais, moi, que cette maladie en moi n'était pas si invalidante. Bon, j'allais aux toilettes pour saigner plusieurs fois par jour, mais je n'étais pas entamée dans mon être. Je pouvais aller. Fatiguée, mais debout.
Tout de même, tout s'est aggravé sensiblement en janvier 2007, après une choc émotionnel important. Ma mère avait déclenché un diabète insulino-dépendant soudain, et avait failli y rester. Il allait falloir réorganiser nos vies, en fonction des impératifs nouveaux de cette maladie.
Le Pentasa® n'agissait plus. Le sang était de plus en plus présent. Il allait falloir penser à adapter le traitement. Les examens cliniques pourtant n'étaient pas affolants. Ils montraient des proctites, des colites, mais modérées. Ça allait donc.
A ce stade, j'aurais dû m'arrêter. J'avais demandé à ma patronne quelques jours de congés. Impossible au mois de janvier, au mois de mars, au mois d'avril, l'activité est florissante. On ne pouvait se passer de moi. Il fallait que j'attende jusqu'à l'été. J'avais envisagé de prendre un mois complet. C'est finalement plus d'un an qu'il m'aura fallu pour récupérer un semblant de force. J'étais de plus en plus livide, et de moins en moins efficace dans mon travail, mais je me battais. J'allais tenir, et ça allait passer.
Le gastroentérologue commençait alors à s'inquiéter de la résistance des crises à la cortisone locale. Il avait donné 8 jours pour que les corticoïdes par voie générale produisent une amélioration sensible. A défaut, ce serait l'hospitalisation. De courte durée, m'avait-il assuré. J'ai commencé les injections le 8 juin 2007. Le 18 juin, c'était le jour de l'échéance. Je n'avais vu aucune amélioration. Pourtant, jusqu'à 13h, j'hésitais à appeler l'hôpital. Encore quelques heures de réflexion. Etait-ce vraiment nécessaire de m'arrêter ? Je suis allée plaider à 14h. J'ai demandé à passer mon dossier en priorité, expliquant au magistrat que je devais être hospitalisée à 16h. Une consoeur offusquée me demanda ironiquement si je ne souffrais pas d'une "maladie diplomatique au moins ?". Je fus choquée de cette reflexio déplacée. Que j'aurais aimé être capable de l'envoyer promener ! Que j'aurais aimé lui suggérer que nous échangions nos places, moi dans la salle des pas perdus, à attendre toute l'après midi mon audience, ratan mon train e retour, si besoin, et elle à l'hôpital, sans savoir ni pour combien de temps, ni pour qu'y subir... Je n'ai rien dit. Juste que j'aurais bien préféré que la maladie ne fut que diplomatique.
La première hospitalisation dura huit jours. Je la vécus fort bien, avec beaucoup de sérénité. Comme un soulagement. Je dormais 18h par jour. Dans mon esprit, c'était la fatigue du travail, le peu de vacances que j'avais prises l'année d'avant... Je sortis donc avec un arrêt de travail d'un mois. Les toubibs me conseillèrent de ne pas reprendre avant la fin de l'arrêt, même s'ils me disaient que c'était à moi de sentir quand je pourrais reprendre. Je souhaitais m'y remettre vite. Je n'ai pas eu le temps.
Deux semaines plus tard, j'étais à nouveau hospitalisée. Cette fois avec des douleurs horribles. Et 25 selles par jour... La cortisone n'agit pas, à 80 mg par jour en intraveineuse... On décida donc de m'administrer des immuno-suppresseurs, qui firent des miracles. En 48 h, je n'avais plus de diarrhées, plus de douleurs. Mes selles étaient redevenues normales. Je sortis de l'hôpital au bout de huit jours. Avec un arrêt de travail de deux mois et cette fois interdiction stricte de reprendre avant.
A ma sortie de l'hôpital, je suis allée acheter mon mobilier de bureau ! J'insistai sur la livraison impérative avant le mois de septembre, date à laquelle j'étais censée reprendre le travail... A ce jour, je ne me suis pas encore installée sur mon bureau tout neuf...
J'ai été tranquille environ un mois. J'étais seule au mois d'août. Mes parents et amis étaient en vacances, et mon état se dégradait à nouveau. La seconde injection de Rémicade® n'eut pas l'efficacité espérée... Je sentais qu'il faudrait que je consulte à nouveau, mais il fallait que je tienne au moins jusqu'à ce que mes parents rentrent, et même un peu plus pour ne pas leur retirer en une minutes le bénéfice de leur vacances. De toutes façons, il était hors de question que je les fasse rapatrier pendant leurs congés. Pour rien, sûrement ! Je m'y refusais catégoriquement. J'avais mal pourtant. Je saignais beaucoup. Mes médecins n'étaient pas là, eux non plus.
Je savais cette fois, que c'était plus important que d'habitude. Mais je refusais d'y penser. Je refusais de l'admettre. Je ne pouvais pas sortir de chez moi sans risquer l'accident, accident qui se produisit une fois ou l'autre d'ailleurs...Quelle humiliation ! Sentir le short d'été envahi de diarrhée sanglante dans ma cage d'escalier ou au milieu de la rue... ! Je n'ai jamais rien vécu d'aussi dégradant... Et ce sang, toujours plus présent dans la cuvette... Le médecin que j'eus au téléphone se contenta de m'expliquer que tant que je n'avais pas de fièvre, il n'y avait pas d'urgence. Pas d'urgence, c'était bien ce qu'il avait dit. Mais moi, j'avais entendu "tant que vous n'avez pas de fièvre, il n'y a pas à s'inquiéter, ce n'est pas grave". Je pris cette interprétation pour argent comptant, et tentai d'oublier et de me persuader que tout allait bientôt rentrer dans l'ordre. D'ailleurs, j'avais ma troisième injection de Rémicade® dans deux semaines. Tout allait bientôt aller mieux.
A leur retour, mes parents me voyant me tordre de douleur, et m'entendant gémir à travers la porte des toilettes, me recommandèrent vivement d'avancer l'injection. Je me décidai alors au bout de quelques jours encore à prendre le téléphone. L'injection fut prévue le mercredi suivant. J'arrivais à l'hôpital avec 40 de température. Pas question de Rémicade®, pas question de ressortir. Coloscopie en urgence, si difficile à vivre... je suppliais le professeur d'arrêter, malgré la sédation censée m'endoromir un peu... Le verdict tomba : c'était grave cette fois. Mes ulcérations étaient en puits, la muqueuse saignait de tout son long et je risquais la perforation. On m'annonça, sans beaucoup de tact, que je risquais d'être opérée sous peu, ce qui impliquait la pose d'une anus artificel provisoire, hypothèse que je rejetais catégoriquement. Il m'a pourtant bien fallu y passer...
Je ne saurais jamais si les quelques jours de congés que j'avais réclamés auraient pu contribuer à me faire me rétablir. Je ne saurais jamais si d'avoir ralenti mon traitement a contribué à l'accéleration de la progression de la maladie. Je ne saurais jamais si le facteur stress de mon environnement direct a eu une quelconque part de responsabilité... peut-être que si j'avais choisi un autre métier, je serais encore entière aujourd'hui... Peut être que si je m'étais détachée de ma famille plus tôt, j'aurais appréhendé plus sereinement les embuches semées par la vie... Peut être que je si j'avais écouté mon entourage, les rabat-joie, j'aurais pu m'épargner...
Cette incertitude, cette impuissance est vraiment navrante. Comme je regrette aujourd'hui, ce déni qui m'a tenu jusqu'à la dernière minute ! Si j'avais su, j'aurais levé le pied, j'aurais écouté mon corps, et je n'aurais pas rechigné à prendre mes granulés. Enfin, ce qui est fait est fait et l'on ne peut réécrire l'histoire. Je vais devoir à présent vivre sans colon, sans rectum, mais je l'espère, sans maladie !
Tous, ils avaient insisté sur le caractère chronique et incertain de la maladie, sans compter que les différents avis que j'ai pris n'étaient pas unanimes quant à l'identité de la maladie... était-ce une RCH, ou une maladie de Crohn ? Au fond, cela m'importait peu de savoir. Mais si les docteurs ne savaient pas, c'était sans doute que la forme de l'atteinte que j'avais était bénine ! On reconnait des lésions sévères quand on est un spécialiste...
Et puis, l'espacement des crises, le peu de gêne au quotidien que je ressentais alors m'ont fait banaliser la maladie. Bien sûr, parfois, j'étais fatiguée. Je me traitais de paresseuse, ou je mettais cette fatigue sur le compte de mon activité professionnelle débutante et si exigeante. J'étais tout de même capable de m'endormir dans la salle d'attente de mon psychanalyste qui pourtant n'avait pas pour habitude de me faire attendre plus de dix minutes... Je ne voulais pas voir le caractère anormal de cette fatigue. Je trouvais que je n'allais pas si mal que cela, et je commençais à rechigner à prendre mon Pentasa®, petites granules faciles à administrer, sans effets secondaires apparents, et plutôt efficaces, puisque depuis que je le prenais je ne me sentais plus malade. Je n'étais guère enthousiaste à l'idée de devoir prendre ad vitam des médicaments. Les médecins, peut-être, s'étaient-ils trompés ; en fait de maladie chronique, peut-être avais-je eu simplement une crise de colite, un peu sanglante, mais ponctuelle... J'ai diminué la dose quotidienne de granules. Parfois, je sautais complètement les prises...
De temps en temps alors, je me mis à ressaigner. Plus. Durant quelques semaines. Mais je n'avais pas mal. Et puis comme par hasard, chaque fois que mon rendez-vous avec mon gastroentérologue approchait (je le voyais tous les six mois à l'époque), je me sentais mieux. Les selles se raréfiaient, le sang était plus dilué... Donc, il me conseillait seulement de ré-augmenter le Pentasa®, en se doutant peut-être qu'une crise était en train de s'éloigner.
Personne ne m'a crié qu'il fallait que je me méfie, que je ralentisse mes activités, qu'il en allait de ma santé future... ou bien quand on me le suggérait, je pensais que ceux-là étaient des rabat-joie non spécialistes qui se trompaient sûrement, et qui ne pouvaient se mettre à ma place. Je savais, moi, que cette maladie en moi n'était pas si invalidante. Bon, j'allais aux toilettes pour saigner plusieurs fois par jour, mais je n'étais pas entamée dans mon être. Je pouvais aller. Fatiguée, mais debout.
Tout de même, tout s'est aggravé sensiblement en janvier 2007, après une choc émotionnel important. Ma mère avait déclenché un diabète insulino-dépendant soudain, et avait failli y rester. Il allait falloir réorganiser nos vies, en fonction des impératifs nouveaux de cette maladie.
Le Pentasa® n'agissait plus. Le sang était de plus en plus présent. Il allait falloir penser à adapter le traitement. Les examens cliniques pourtant n'étaient pas affolants. Ils montraient des proctites, des colites, mais modérées. Ça allait donc.
A ce stade, j'aurais dû m'arrêter. J'avais demandé à ma patronne quelques jours de congés. Impossible au mois de janvier, au mois de mars, au mois d'avril, l'activité est florissante. On ne pouvait se passer de moi. Il fallait que j'attende jusqu'à l'été. J'avais envisagé de prendre un mois complet. C'est finalement plus d'un an qu'il m'aura fallu pour récupérer un semblant de force. J'étais de plus en plus livide, et de moins en moins efficace dans mon travail, mais je me battais. J'allais tenir, et ça allait passer.
Le gastroentérologue commençait alors à s'inquiéter de la résistance des crises à la cortisone locale. Il avait donné 8 jours pour que les corticoïdes par voie générale produisent une amélioration sensible. A défaut, ce serait l'hospitalisation. De courte durée, m'avait-il assuré. J'ai commencé les injections le 8 juin 2007. Le 18 juin, c'était le jour de l'échéance. Je n'avais vu aucune amélioration. Pourtant, jusqu'à 13h, j'hésitais à appeler l'hôpital. Encore quelques heures de réflexion. Etait-ce vraiment nécessaire de m'arrêter ? Je suis allée plaider à 14h. J'ai demandé à passer mon dossier en priorité, expliquant au magistrat que je devais être hospitalisée à 16h. Une consoeur offusquée me demanda ironiquement si je ne souffrais pas d'une "maladie diplomatique au moins ?". Je fus choquée de cette reflexio déplacée. Que j'aurais aimé être capable de l'envoyer promener ! Que j'aurais aimé lui suggérer que nous échangions nos places, moi dans la salle des pas perdus, à attendre toute l'après midi mon audience, ratan mon train e retour, si besoin, et elle à l'hôpital, sans savoir ni pour combien de temps, ni pour qu'y subir... Je n'ai rien dit. Juste que j'aurais bien préféré que la maladie ne fut que diplomatique.
La première hospitalisation dura huit jours. Je la vécus fort bien, avec beaucoup de sérénité. Comme un soulagement. Je dormais 18h par jour. Dans mon esprit, c'était la fatigue du travail, le peu de vacances que j'avais prises l'année d'avant... Je sortis donc avec un arrêt de travail d'un mois. Les toubibs me conseillèrent de ne pas reprendre avant la fin de l'arrêt, même s'ils me disaient que c'était à moi de sentir quand je pourrais reprendre. Je souhaitais m'y remettre vite. Je n'ai pas eu le temps.
Deux semaines plus tard, j'étais à nouveau hospitalisée. Cette fois avec des douleurs horribles. Et 25 selles par jour... La cortisone n'agit pas, à 80 mg par jour en intraveineuse... On décida donc de m'administrer des immuno-suppresseurs, qui firent des miracles. En 48 h, je n'avais plus de diarrhées, plus de douleurs. Mes selles étaient redevenues normales. Je sortis de l'hôpital au bout de huit jours. Avec un arrêt de travail de deux mois et cette fois interdiction stricte de reprendre avant.
A ma sortie de l'hôpital, je suis allée acheter mon mobilier de bureau ! J'insistai sur la livraison impérative avant le mois de septembre, date à laquelle j'étais censée reprendre le travail... A ce jour, je ne me suis pas encore installée sur mon bureau tout neuf...
J'ai été tranquille environ un mois. J'étais seule au mois d'août. Mes parents et amis étaient en vacances, et mon état se dégradait à nouveau. La seconde injection de Rémicade® n'eut pas l'efficacité espérée... Je sentais qu'il faudrait que je consulte à nouveau, mais il fallait que je tienne au moins jusqu'à ce que mes parents rentrent, et même un peu plus pour ne pas leur retirer en une minutes le bénéfice de leur vacances. De toutes façons, il était hors de question que je les fasse rapatrier pendant leurs congés. Pour rien, sûrement ! Je m'y refusais catégoriquement. J'avais mal pourtant. Je saignais beaucoup. Mes médecins n'étaient pas là, eux non plus.
Je savais cette fois, que c'était plus important que d'habitude. Mais je refusais d'y penser. Je refusais de l'admettre. Je ne pouvais pas sortir de chez moi sans risquer l'accident, accident qui se produisit une fois ou l'autre d'ailleurs...Quelle humiliation ! Sentir le short d'été envahi de diarrhée sanglante dans ma cage d'escalier ou au milieu de la rue... ! Je n'ai jamais rien vécu d'aussi dégradant... Et ce sang, toujours plus présent dans la cuvette... Le médecin que j'eus au téléphone se contenta de m'expliquer que tant que je n'avais pas de fièvre, il n'y avait pas d'urgence. Pas d'urgence, c'était bien ce qu'il avait dit. Mais moi, j'avais entendu "tant que vous n'avez pas de fièvre, il n'y a pas à s'inquiéter, ce n'est pas grave". Je pris cette interprétation pour argent comptant, et tentai d'oublier et de me persuader que tout allait bientôt rentrer dans l'ordre. D'ailleurs, j'avais ma troisième injection de Rémicade® dans deux semaines. Tout allait bientôt aller mieux.
A leur retour, mes parents me voyant me tordre de douleur, et m'entendant gémir à travers la porte des toilettes, me recommandèrent vivement d'avancer l'injection. Je me décidai alors au bout de quelques jours encore à prendre le téléphone. L'injection fut prévue le mercredi suivant. J'arrivais à l'hôpital avec 40 de température. Pas question de Rémicade®, pas question de ressortir. Coloscopie en urgence, si difficile à vivre... je suppliais le professeur d'arrêter, malgré la sédation censée m'endoromir un peu... Le verdict tomba : c'était grave cette fois. Mes ulcérations étaient en puits, la muqueuse saignait de tout son long et je risquais la perforation. On m'annonça, sans beaucoup de tact, que je risquais d'être opérée sous peu, ce qui impliquait la pose d'une anus artificel provisoire, hypothèse que je rejetais catégoriquement. Il m'a pourtant bien fallu y passer...
Je ne saurais jamais si les quelques jours de congés que j'avais réclamés auraient pu contribuer à me faire me rétablir. Je ne saurais jamais si d'avoir ralenti mon traitement a contribué à l'accéleration de la progression de la maladie. Je ne saurais jamais si le facteur stress de mon environnement direct a eu une quelconque part de responsabilité... peut-être que si j'avais choisi un autre métier, je serais encore entière aujourd'hui... Peut être que si je m'étais détachée de ma famille plus tôt, j'aurais appréhendé plus sereinement les embuches semées par la vie... Peut être que je si j'avais écouté mon entourage, les rabat-joie, j'aurais pu m'épargner...
Cette incertitude, cette impuissance est vraiment navrante. Comme je regrette aujourd'hui, ce déni qui m'a tenu jusqu'à la dernière minute ! Si j'avais su, j'aurais levé le pied, j'aurais écouté mon corps, et je n'aurais pas rechigné à prendre mes granulés. Enfin, ce qui est fait est fait et l'on ne peut réécrire l'histoire. Je vais devoir à présent vivre sans colon, sans rectum, mais je l'espère, sans maladie !